Mais où sont les Assomptions d’antan ?

Au 15 août 2025 à Arcachon, la traditionnelle fête de l’Assomption a rencontré un franc succès nous dit la presse et il est vrai que, même pour l’office qui s’est déroulé en plein air la place Thiers, les fidèles étaient au rendez-vous. Ici, la tradition mariale prend racines au 16e siècle mais les graines existaient bien avant. L’histoire est bien connue, en 1519, le fameux moine Thomas Ilyricus trouve une statue de la Vierge sur la plage du Bernet (aujourd’hui disparue), la première chapelle est construite en 1624, alors laissons-lui la paternité de la vitalité du culte mariale arcachonnais.

2025 célébration de l’Assomption place Thiers par Monseigneur Le Vert

Il n’y avait pas besoin de cette trouvaille pour que marins et mariniers se livrent à force dévotions et invocations mariales avant de partir en mer : les naufrages étaient fréquents à l’entrée et à la sortie du Bassin tant les passes sont traitresses pour les fragiles esquifs ; l’absence d’instruments de mesure et de météo ne simplifiait pas la navigation. Une multitude d’ex-voto témoigne de ces appels à la protection divine et de nombreuses fêtes religieuses rythment la vie locale : Annonciation 25 mars, Sainte Anne 26 juillet, Assomption 15 août…

Le 19e siècle marqua l’apogée des fêtes religieuses alors que « régnait » à Arcachon un certain Abbé Mouls, curé d’Arcachon, nommé en 1854. Agé de 32 ans, il y restera pendant 15 ans avant d’être « mis au placard » à Bordeaux par Mgr Donnet. La ville s’est empressée de l’oublier alors qu’il a largement contribué au développement de celle-ci.

La procession du 19e siècle vue par l’IA !

Les fêtes de son temps revêtirent une ampleur inimaginable dans notre monde contemporain pétri de précautions. L’Assomption se transforme en processions navales : on trouve en tête une nacelle avec la statue de la Vierge et des jeunes filles habillées de blanc, puis une chaloupe pavoisée où se tenait le cardinal Donnet, suivie d’autres embarcations avec notabilités civiles et militaires. Pas moins de 1200 tilloles du Bassin, ces bateaux à fond plat adaptés aux faibles profondeurs et destinées à la pêche, participent à la procession. Tout ce beau monde brandit des bannières et chante des cantiques. Sans doute l’abbé dans son enthousiasme a-t-il exagéré le nombre de tilloles…

L’abbé Mouls, homme d’une activité débordante est intervenu dans tous les secteurs de vie de la ville : il aurait incité les frères Pereire à construire la ville d’hiver, il a créé une société scientifique le 23 août 1863, organisé une exposition internationale sur la pêche et l' »aquiculture » (comme on disait à l’époque), lancé en 1867 une des premières stations de biologie marine du monde. L’aquarium ouvert en 1867 était le quatrième au monde après Londres, Paris et Hambourg.  L’abbé Mouls sait être architecte, publiciste, impresario, journaliste, ouvrier, urbaniste, écrivain et l’empereur Napoléon III lui remettra la Légion d’honneur.

Pendant 15 ans, de 1854 à 1869, l’abbé Mouls se dépense sans compter pour la ville qu’il a contribué à fonder. Mais il s’est fait de puissants ennemis au premier rang desquels le cardinal Ferdinand Donnet, archevêque du diocèse, qui en 1869 pour l’éloigner d’Arcachon le nomme chanoine à Bordeaux.

Renvoyé dans l’anonymat de la grande ville il se singularisera en refusant de reconnaître le dogme de l’infaillibilité pontificale (1870) et dès lors n’échappera pas aux foudres de sa hiérarchie. Peu après, en 1872, il s’exile en Belgique et quitte l’église catholique pour rejoindre les « vieux catholiques ». Il est mort en juillet 1878.

Arcachon lui accorde une toute petite allée derrière l’église St Louis des Abatilles lui qui aurait sans doute mérité un boulevard du côté de la Basilique Notre-Dame.

Sources : pour l’évocation de l’Assomption sur la mer Charles Daney (Sur le Bassin d’Arcachon à l’époque de Napoléon III – Cairn), pour l’Abbé Mouls https://leonc.fr/histoire/mouls/index.htm – Texte Aimé Nouailhas.